European Accessibility Act (EAA) et secteur financier

26.5.2025
5 minutes

Les Pays-Bas donnent le ton sur l’accessibilité numérique. L’Autorité néerlandaise des marchés financiers a récemment rappelé aux institutions financières l’urgence de se préparer à l’entrée en vigueur de l’European Accessibility Act (EAA), prévue pour le 28 juin 2025.  

Ce texte européen harmonise les exigences d’accessibilité pour de nombreux produits physiques et services digitaux. Il aura un impact important sur le secteur financier en France comme ailleurs en Europe.  

Nous vous partageons dans cet article blog, un éclairage sur le contexte spécifique au secteur financier et des conseils pratiques pour anticiper cette évolution réglementaire.


Contexte de l’EAA et enjeux pour le secteur financier

L’EAA (Directive (UE) 2019/882) vise à éliminer les obstacles qui empêchent les personnes en situation de handicap de participer pleinement à la vie numérique et économique. Pour le secteur financier, cela signifie que les banques, assureurs et tous les prestataires de services financiers devront rendre accessibles :

  • Les services bancaires en ligne et mobiles (consultation de comptes, virements, souscription de produits, etc.)
  • Les distributeurs automatiques de billets (DAB), bornes interactives et terminaux de paiement
  • Les portails de gestion d’investissement, d’assurance ou de crédit
  • Les services de support client (chat, hotline, FAQ)
  • Les documents bancaires numériques (relevés, contrats, notifications électroniques)

Le champ d’application est large : il concerne toute la chaîne de valeur du métier de la banque : les donneurs d’ordre, leurs fournisseurs et partenaires. L’objectif est d’assurer une protection optimale et un accès à l’ensemble des services bancaires dans l’Union Européenne.


Les attentes des autorités de contrôle : l’exemple néerlandais

L’AFM (Autoriteit Financiële Markten), équivalent néerlandais de l’AMF (Autorité des marchés financiers), attend des institutions financières qu’elles adoptent une démarche structurée et proactive en matière d’accessibilité numérique.  

  • Intégrer l’accessibilité dès la conception : les services numériques doivent être développés et maintenus pour être « perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes » (les quatre principes clés de l’accessibilité).
  • Effectuer une analyse des écarts : identifier les différences entre l’existant et les exigences de l’EAA afin de définir les mesures correctives à mettre en œuvre.
  • Elaborer ou mettre à jour les processus internes : l’accessibilité ne doit pas être un projet ponctuel, mais une démarche continue intégrée dans la stratégie, la conception, le développement et la maintenance des services.
  • Former et sensibiliser les équipes : développer une expertise interne, diffuser la culture de l’accessibilité à tous les niveaux de l’organisation et intégrer ces enjeux dans la stratégie d’entreprise.
  • Mettre en place une gouvernance et un suivi : instaurer des procédures de contrôle et de suivi pour garantir la conformité dans la durée.

Exemples pratiques :

  • Mener des enquêtes d'accessibilité sur les canaux numériques afin d'évaluer l'expérience utilisateur et d'identifier les axes d'amélioration.
  • Améliorer la navigation et l’ergonomie des sites.
  • Adapter les contrastes et couleurs.
  • Ajouter des descriptions alternatives pour les images.

L’AFM insiste : il ne s’agit pas de simples recommandations, mais d’exigences réglementaires. Les institutions doivent agir sans attendre, sous peine de sanctions.

Ce cadre d’action reprend les principes clés d’une politique d’accessibilité, structurée en France dans le SPAN (Schéma Pluriannuel de mise en Accessibilité Numérique).


Et pour la France ?

Un cadre déjà en place, mais des exigences renforcées

En France, la loi de 2005 a posé les bases. Mais l’European Accessibility Act (EAA), règlement européen directement applicable dans le droit national, élargit le périmètre et renforce les contrôles, notamment pour les entreprises privées et certains secteurs stratégiques (banque, e-commerce, transport, audiovisuel, téléphonie).


Qui contrôle ?

  • DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) : elle est l’autorité de contrôle transverse pour tous les produits et services visés par la directive européenne, à l’exception du livre numérique. Elle intègre l’accessibilité à ses missions d’enquêtes, de contrôles et de sanctions, et travaille à partir des signalements citoyens et associatifs
  • ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) : autorité administrative adossée à la Banque de France, elle supervise le secteur bancaire et assurantiel en France, et intervient sur la conformité des établissements financiers, y compris en matière d’accessibilité numérique.
  • AMF (Autorité des marchés financiers) : elle intervient spécifiquement pour vérifier l’accessibilité des informations légales et financières fournies aux consommateurs et veille à la conformité des acteurs des marchés financiers.
  • Banque de France : elle a un rôle particulier sur l’accessibilité des moyens de paiement, des services de signature électronique, des services de paiement et des méthodes d’authentification.


Quelles sont les sanctions ?  

Les établissements financiers non conformes à l’European Accessibility Act (EAA) s’exposent à des sanctions significatives, qui peuvent être prononcées par les autorités nationales compétentes (comme l’ACPR ou l’AMF).  

Le non-respect des obligations expose les établissements à des amendes pouvant aller jusqu’à 50 000 € par point de contact digital non accessible (par exemple, par site web ou application mobile). Cette sanction peut être cumulée si plusieurs supports sont concernés.

À cela s’ajoute une amende de 25 000 € en cas d’absence de la mention relative à l'accessibilité numérique, de la déclaration d’accessibilité, ou du schéma pluriannuel.

Outre les amendes, la publication des sanctions peut porter atteinte à la réputation de l’établissement, ce qui peut entraîner une perte de confiance des clients et des partenaires.

La non-conformité peut aussi engendrer des perturbations opérationnelles : obligations de correction immédiate, audits renforcés, voire suspensions temporaires de certains services jusqu’à la mise en conformité effective.


4 obligations principales :

  • Publier une mention relative à l'accessibilité en page d'accueil
  • Publier la Déclaration d’accessibilité (DA) pour chaque site ou application
  • Publier le Schéma pluriannuel d'accessibilité numérique (SPAN)
  • Nommer un référent d’accessibilité

Ces obligations s’inscrivent dans une démarche similaire à celle attendue par l’AFM aux Pays-Bas : structurer une politique d’accessibilité pérenne, pilotée, et documentée.  


Nos conseils

  • Evaluez le niveau actuel de vos services pour identifier les points de non-conformité. Cette étape est clé pour prioriser vos actions.
  • Formez vos équipes : développeurs, designers, chefs de projet… Tous doivent connaître les bases de l’accessibilité numérique. Une montée en compétence progressive est la garantie d’une approche durable.
  • Intégrez l’accessibilité dans vos process : de la conception à la mise en ligne, puis dans les phases de maintenance. L’accessibilité doit faire partie de votre chaîne de production. Mettez en place des check-lists et points de contrôle à chaque étape.
  • Testez avec des utilisateurs concernés : impliquez des personnes en situation de handicap dans les phases de test pour identifier les obstacles réels.
  • Nommez un référent accessibilité : formalisez une politique interne claire. Votre référent pourra piloter la démarche, suivre les avancées, animer la sensibilisation en interne et faire le lien avec les parties prenantes.
  • Faites savoir que vous agissez : communiquez sur vos engagements. Vos clients, partenaires et collaborateurs seront d’autant plus mobilisés si vous valorisez vos démarches et résultats.


À retenir

L’entrée en vigueur de l’European Accessibility Act (EAA) marque un tournant pour l’accessibilité numérique dans le secteur financier.  

En France, comme ailleurs en Europe, les institutions – notamment dans les secteurs financiers et bancaires - doivent engager une démarche structurée, centrée sur l’analyse des écarts et l’intégration des principes d’accessibilité à tous les niveaux.  

Objectif : garantir l’égalité d’accès à tous les services numériques, pour tous les clients y compris ceux en situation de handicap. Cela suppose de revoir l’ensemble des parcours digitaux, des supports et des documents, de former les équipes, et de mettre en place un pilotage rigoureux de la conformité.

Au-delà de la contrainte réglementaire, il s’agit d’une opportunité de renforcer l’inclusion, la satisfaction client et la compétitivité des établissements financiers sur un marché de plus en plus attentif à ces enjeux.


Ressources
:

https://www.regulationtomorrow.com/dnbafm/afms-expectations-on-the-implementation-of-the-european-accessibility-act/

https://www.blogdumoderateur.com/accessibilite-web-2025-rgaa-nouvelles-regles/

Une expertise au service de l'accessibilité numérique : article signé par Nathalie Albertelli, Cheffe de projet Communication