10.7.2025
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6 minutes
Alors, pourquoi ce stéréotype persiste-t-il ? Et que nous apprend cette réalité sur l’inclusion dans notre société ?
Plongeons ensemble dans cette idée reçue… pour mieux en sortir.
Non, les personnes aveugles n’ont pas développé un GPS interne magique, même si certaines ont acquis un excellent sens de l’orientation.
Mais d’où vient cette idée que toutes les personnes aveugles sauraient automatiquement se repérer dans l’espace ? Pour le comprendre, il faut prendre un peu de recul… et revenir sur quelques repères historiques.
Depuis longtemps, la société s’interroge sur la manière dont les personnes aveugles se déplacent. Mais, avant même que l’on parle de technologie ou d’aménagement urbain, l’orientation spatiale des personnes aveugles reposait avant tout sur la connaissance des lieux, la mémoire, le toucher, l’écoute. Des compétences qui s’acquièrent et se développent, mais qui ne sont pas universelles.
Une étape importante a été franchie en 1930 au Royaume-Uni, avec l’introduction de la canne blanche. À l’origine pensée pour signaler la cécité des piétons, elle est rapidement devenue bien plus : un outil d’exploration et de repérage. Elle permet de sentir les reliefs au sol, d’anticiper les obstacles, de se créer une représentation de l’environnement en temps réel. C’est une véritable extension du corps, utilisée aujourd’hui partout dans le monde.
Mais la canne n’est pas la seule aide à la mobilité. Dès les années 1940, on expérimente une autre solution : le chien guide.
En Allemagne, pendant la Première Guerre mondiale, des chiens sont dressés pour accompagner les soldats devenus aveugles. L’idée se développe en France après 1945, avec la création de la première école à Hérouville-Saint-Clair en 1952. Ces chiens, éduqués pendant près de deux ans, permettent non seulement d’éviter les obstacles, mais aussi de naviguer dans des environnements plus complexes : traversées de routes, escaliers, couloirs de gare… Une autonomie précieuse, basée sur la collaboration homme-animal.
Aujourd’hui, plusieurs structures continuent de faire vivre cet engagement. L’association Paul Corteville, située à Roncq (près de Lille), forme chaque année de nombreux chiens guides et les remet gratuitement à des personnes aveugles ou malvoyantes. Elle propose aussi un accompagnement humain, personnalisé, avant et après l’attribution du chien.
Elle est membre de la Fédération Française des Associations de Chiens guides d’aveugles (FFAC), qui regroupe et coordonne les écoles de chiens guides en France. La fédération œuvre pour garantir la qualité des formations, promouvoir la reconnaissance du chien guide dans l’espace public, et sensibiliser le grand public à ce formidable levier d’autonomie.
Ces avancées montrent bien que la capacité à se repérer dans l’espace n’est ni automatique, ni identique d’une personne à l’autre. Elle dépend des outils disponibles, du contexte de vie et surtout de l’accès à une véritable accessibilité dans les déplacements.
Alors, est-ce que tous les aveugles savent se repérer dans l’espace ?
Comme le dit Mathieu Froidure dans sa vidéo :
La réponse est double.
Certaines personnes aveugles y parviennent très bien, d’autres rencontrent plus de difficultés. Et c’est tout à fait normal. On pourrait dire exactement la même chose… des personnes voyantes.
Mathieu utilise d’ailleurs une comparaison parlante :
Il y a plein de voyants qui savent lire des cartes. Mais il y en a aussi qui n’y arrivent pas. C’est pareil pour les personnes aveugles.
Tout dépend de l’histoire de la personne, de son expérience, de ses repères, et de son environnement.
Une personne devenue aveugle à l’âge adulte a souvent eu le temps de construire des représentations mentales visuelles. Elle peut s’appuyer dessus pour imaginer des espaces, comprendre un plan, ou se déplacer dans des lieux déjà connus.
À l’inverse, une personne aveugle de naissance n’a pas eu ces repères visuels initiaux. Elle peut donc développer d’autres stratégies, souvent plus auditives, tactiles ou kinesthésiques, mais il lui sera parfois plus difficile de se figurer l’agencement d’un espace inconnu sans aide extérieure.
Et même au sein de chaque groupe, les différences sont énormes. Certaines personnes aveugles sont à l’aise dans des environnements urbains denses, d’autres préfèrent des parcours connus ou accompagnés. Certaines sont capables de dessiner à main nu, c’est le cas de Mathieu, qui le montre dans une autre de ses vidéos. D’autres utilisent surtout leur mémoire de parcours, sans forcément visualiser l’espace dans son ensemble.
Pour accompagner cette diversité de profils et de besoins, la technologie peut jouer un rôle clé… à condition d’être pensée pour tous.
Aujourd’hui, les outils numériques jouent un rôle essentiel dans le quotidien des personnes aveugles. Grâce à eux, se repérer dans l’espace, s’informer ou simplement utiliser un téléphone devient possible, voire fluide. À condition, bien sûr, que ces technologies soient conçues de manière accessible.
Parmi les outils les plus utilisés, on retrouve VoiceOver, le lecteur d’écran intégré à tous les iPhones. Il permet de lire à voix haute tout ce qui s’affiche à l’écran : boutons, messages, applications, contenus web… Grâce à des gestes spécifiques, une personne aveugle peut naviguer, écrire, consulter une carte ou lancer un GPS, sans avoir besoin de voir l’écran.
Mais si la technologie peut être un levier d’inclusion, elle peut aussi devenir un obstacle… lorsqu’elle n’est pas pensée pour tous. Une application qui n’est pas compatible avec VoiceOver, un site web mal structuré, une carte interactive sans alternative textuelle : autant de freins à l’autonomie.
C’est là qu’intervient le principe d’accessibilité numérique : rendre les interfaces utilisables par tous, quelles que soient les capacités de l’utilisateur. Cela va bien au-delà de la technique. Il s’agit aussi de penser l’expérience d’usage, d’écouter les besoins réels, de tester avec les personnes concernées.
Chaque personne aveugle vit l’orientation et l’usage du numérique de manière différente. C’est justement pour cela que l’inclusion ne peut pas reposer sur des généralités ou des recettes toutes faites.
Chez Urbilog Compéthance, nous pensons que la meilleure manière de concevoir des environnements accessibles — qu’ils soient physiques ou numériques —, c’est d’échanger, de tester, de co-construire avec celles et ceux qui sont directement concernés.
Que vous soyez une entreprise, une collectivité, un développeur ou tout simplement curieux d’en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter.
Contactez-nous et parlons de vos projets, de vos besoins, de vos idées. Ensemble, faisons avancer l’accessibilité et l’inclusion.