4.7.2025
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5 minutes
On prête souvent des capacités mystérieuses aux personnes aveugles.
Mais la réalité est plus subtile… et bien plus logique qu’il n’y paraît.
L’idée d’un “sixième sens” ne date pas d’hier. Depuis des siècles, on imagine qu’au-delà des cinq sens classiques, la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût. L’être humain pourrait percevoir le monde autrement, une intuition, perception extrasensorielle, pressentiment…Pour les personnes aveugles, cette croyance s’exprime souvent par une question : “mais comment fais-tu pour te déplacer ? Tu dois avoir un don, non ?” Un raccourci facile, mais qui ne reflète pas la réalité.
Mathieu Froidure, non-voyant, le rappelle dans une vidéo publiée sur LinkedIn. Face à cette idée reçue qu’on lui répète souvent “Une personne aveugle a-t-elle un sixième sens ?” Il répond avec simplicité : non, pas de don particulier. Juste une autre façon de mobiliser les sens que nous avons tous, grâce à une adaptation fine et à l’écoute attentive de l’environnement.
Le cerveau humain est plein de ressources. Lorsqu’un sens disparaît, il ne reste pas inactif. Il se réorganise : c’est ce qu’on appelle la la neuroplasticité. C’est la capacité du cerveau à redistribuer les tâches, à renforcer certains circuits, et à tirer parti de ce qui reste disponible. Un vrai chef d’orchestre…
Concrètement, l’ouïe, le toucher, le goût ou l’odorat prennent plus de place dans la perception de l’environnement. Pas parce qu’ils deviennent magiques, mais parce qu’ils sont entraînés plus régulièrement.
Alors non, les personnes aveugles ne développent pas un pouvoir surnaturel. Mais elles apprennent à écouter vraiment, à ressentir finement, et à analyser en direct ce que beaucoup ne remarquent même pas. Ce n’est pas un sixième sens. C’est une organisation millimétrée, et un cerveau qui ne laisse rien au hasard. Pas besoin de cape ou de super-pouvoir : juste un bon câblage et beaucoup de pratique.
L’ouïe, chez une personne aveugle, n’est pas seulement un outil pour entendre des sons, mais un véritable repère spatial.
Dans sa vidéo, Mathieu partage une situation du quotidien : lorsqu’il s’apprête à traverser ou à prendre une rue, il s’oriente grâce aux sons de l’environnement.
Le bruit d’un moteur, le roulement des pneus, les pas des passants, ou même le cliquetis d’un feu sonore… Chaque son devient une source d’indication sur la forme, la direction et l’animation de l’espace.
Ces repères sonores passent inaperçus pour la plupart, mais leur efficacité est redoutable. Prenons un virage : il se "devine" à l’oreille, car le son s’allonge ou s’interrompt différemment selon l’angle. Un porche, lui, se perçoit par l’absence d’écho, ce que certains appellent l’« effet coquillage ». Souvenez-vous de ce coquillage qu’on collait à l’oreille pour entendre la mer. Dans une rue étroite, l’écho revient plus vite qu’en pleine avenue. Un environnement bruyant révèle une zone vivante, alors qu’un silence net peut trahir un croisement désert
Chez certaines personnes aveugles, l’adaptation sensorielle va encore plus loin que l’attention aux sons ambiants.Certaines ont développé une technique appelée écholocation humaine. Le principe est simple en apparence : produire un petit son avec la bouche, souvent un clic de langue, puis écouter la manière dont ce son revient après avoir frappé une surface.
Mais derrière ce geste se cache une véritable méthode d’analyse.L’écho ne revient pas de la même manière selon que l’on est face à un mur, à un arbre, à un poteau ou à un couloir. La durée, la direction, l’intensité ou même la tonalité du retour sonore donnent des indices sur la forme, la distance et la densité de ce qui nous entoure.
Cela permet de contourner un obstacle, détecter une ouverture ou identifier un volume grâce à l’écho du son, avec une précision surprenante.
Surnommée parfois “syndrome de la chauve-souris”, cette capacité reste rare, mais elle démontre à quel point le cerveau peut apprendre à interpréter autrement les signaux sonores.
Elle ne crée pas un sens en plus, mais enrichit la palette de l’ouïe en l’utilisant comme un outil de localisation active.
L’accessibilité n’est pas une capacité individuelle exceptionnelle, c’est une responsabilité collective.
Chez Urbilog Compéthance EA, on conçoit des outils numériques qui s’adaptent aux usages réels, et pas aux idées reçues. Pas besoin d’un sixième sens pour naviguer sur un site ou utiliser une application : il suffit que ces outils soient pensés pour tous, dès le départ. C’est cette approche que nous défendons au quotidien, avec des méthodes concrètes et une équipe engagée.
Ce n’est pas le sixième sens qui fait la différence. C’est la manière dont la société reconnaît et valorise toutes les façons de percevoir le monde.
L’inclusion, c’est accepter que chacun ait sa propre façon de s’orienter, d’agir, de comprendre. Et c’est en créant des environnements accessibles, flexibles et pensés avec les personnes concernées, que cette diversité devient une richesse.