7.7.2025
4 minutes

Ce qu'il faut retenir d'A11y Paris 2025 et de l'entrée en vigueur de l'European Accessibility Act

La 6ème édition d’A11y Paris, qui a eu lieu le 25 juin dernier, a réuni les acteurs clés de l’accessibilité numérique en France, à un moment charnière : l’approche de l’échéance du 28 juin 2025, date d’application de la Directive européenne sur l’accessibilité des produits et services – l’EAA (European Accessibility Act).

Entre obligations légales, innovations techniques et retours de terrain, cet événement a mis en lumière les grands défis qui attendent les entreprises et administrations, ainsi que les leviers concrets pour intégrer l’accessibilité dans les pratiques numériques.

Voici les enseignements majeurs à retenir.

Un nouveau cadre européen : plus large, plus contraignant

L’EAA marque une avancée significative. Contrairement à la WAD (Web Accessibility Directive), limitée aux entités publiques, l’EAA s’applique aussi aux entreprises privées, notamment celles dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros.

Il couvre un périmètre élargi :

  • Produits : téléviseurs, ordinateurs, liseuses, terminaux de paiement…
  • Services : les sites web, applis mobiles, bornes, caisses... des banques, du e-commerce, des télécoms, des transports, des médias.
  • Les références normatives sont claires : WCAG 2.1 niveau AA et EN 301549 v2.1.2 . Ces référentiels s’imposent comme socles techniques pour évaluer la conformité.

Qui est concerné ?

  • Les grandes entreprises privées : dès 250 millions d'euros de chiffre d’affaires, même si elles sont déjà soumises au RGAA,
  • Les entreprises entre 2 millions d'euros et 250 millions d'euros de chiffre d'affaires,
  • Les petites structures avec un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d'euros: généralement exemptées, sauf si elles représentent un acteur central dans la chaîne de distribution.

À noter : les services purement B2B et les produits vendus aux administrations ne sont pas concernés, sauf si leur usage s’adresse in fine aux consommateurs.

Des responsabilités réparties dans la chaîne de production

L’EAA introduit une logique de responsabilité partagée :

  • Le fabricant : doit fournir une documentation technique, un marquage CE et une déclaration d’accessibilité.
  • L’importateur : s'assure que le produit est conforme.
  • Le distributeur : vérifie la présence des marquages et signale aux organismes de contrôle tout manquement.

Pour les services numériques, l’obligation va au-delà de la publication : il faut concevoir accessible, auditer, corriger et documenter les processus.
Avec une exigence de conformité de 100% depuis le 28 juin 2025.

Dérogations et temporalités

  • L’échéance officielle est fixée au 28 juin 2025. Cependant, la directive prévoit des dérogations jusqu’en 2030 pour certains produits déjà sur le marché.
  • Une prolongation possible pour certains contrats de services jusqu’au 28 juin 2030 (ex. : abonnements bancaires, téléphoniques…).
  • Pas de dérogation pour les services numériques.

Contrôles

  • Le contrôle sera assuré par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
  • Un protocole d’inspection est en cours de définition : échantillons représentatifs, grille de critères (30 items), impacts utilisateurs, niveaux de maturité de « très faible » à « correct ».
  • Mise en place d’outil d’automatisation pour le contrôle, mise à disposition par la DINUM (Direction interministérielle du numérique).

Sanctions prévues :

  • Avertissement pédagogique avec délai pour mise en conformité,
  • Injonction administrative assortie d’un re-contrôle,
  • Sanctions financières,
  • Sanctions pénales.  

Accessibilité : culture, formation, gouvernance

Retours d’expérience d’entreprises engagées

  • Carrefour : accessibilité “grande cause” de son plan 2026, intégrée dans le design system, avec planification de tests utilisateurs.
  • La Banque Postale : 150 collaborateurs formés et déploiement de dispositifs accessibles (cartes vocales, PDF simplifiés, signature électronique…).
  • BNP Paribas et Crédit Agricole : travail sur la simplification des contrats, des terminaux et l’accessibilité téléphonique.

Méthodes agiles et outils

  • L’approche a11yOps (Devon Persing) : combine personnes, pratiques et outils pour industrialiser l’accessibilité.
  • Formations courtes, revues de design, cliniques d’accessibilité, jeux pédagogiques (ex. escape game Orange) : autant d’initiatives pour sensibiliser les équipes.
  • Utilisation de protocoles comme Easy Checks, grilles W3C ou GitBook pour structurer la documentation.

Illustration de défis majeurs identifiés

  • Difficile de mesurer le ROI dans certains contextes (notamment tech et e-commerce).
  • Diffusion complexe de l’expertise dans les grandes structures (ex. SNCF).

Recommandations pour les organisations

  • Nommer un référent accessibilité, même sans obligation légale.
  • Intégrer l’accessibilité dès la conception : design, développement, contenus, tests.
  • Documenter chaque démarche, y compris les éventuelles exemptions.
  • Préparer les déclarations d’accessibilité et les dossiers techniques.
  • Mobiliser des ambassadeurs internes pour porter la transformation et impulser la dynamique.

Conclusion

L’accessibilité numérique n’est plus un simple « plus » : elle devient une exigence légale, un enjeu de transformation, et une preuve de maturité numérique.

A11y Paris a prouvé que les outils, les compétences et les bonnes volontés existent.
Reste à les activer, les coordonner et les mesurer pour en faire un réel facteur d’impact.

L’accessibilité n’est jamais pas une contrainte technique : c’est une responsabilité sociale et un levier stratégique.

Article signé par David Haverlant, Directeur des opérations Accessibilité Numérique

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